mardi 7 janvier 2014

Le mensonge, un sport extrême pour les hommes




Comme pour l’infidélité, n’allez pas croire que ce titre signifie que le mensonge est un vice uniquement masculin. Mesdames, pour ne vous citer qu’un seul exemple : quand vous dites à Tante Suzette que le pull en laine orange qu’elle vous a tricoté pour Noël est splendide et que, oh non la manche plus longue d’un côté, ce n’est pas grave, ça donne un chic présidentiel indéniable… vous mentez. Nous savons bien que ce pull se retrouvera, dès votre retour à la maison, dans un carton, rangé avec d’autres horreurs accumulées au fil des ans (vestiges des anniversaires passés ou de virées shopping durant lesquelles vous avez pensé que le latex/ l’imprimé hawaïen/ le vert pistache reviendrait à la mode).

Ce n’est pas un mensonge me direz-vous, c’est de la diplomatie –parlons-en-. Tante Suzette est teeeellement mignonne, vous n’avez pas eu le courage cette année de lui dire que, vu l’état de votre compte en banque, un chèque aurait été une idée bien plus lumineuse. Ce sera pour l’année prochaine…

Bref, vous voyez bien de quoi je parle. Nous sommes de sacrées menteuses, tricheuses, arrangeuses de la vérité (« Oui Patron, le dossier X sera prêt à temps ; il est quasiment finalisé sur mon bureau » - si l’on considère qu’une page Word avec juste un titre lui suffit, effectivement il est prêt).

Mais revenons-en aux hommes. Ce que je cherche à vous expliquer ici contrarie l’imaginaire collectif qui voudrait que ceux-ci soient tous des menteurs nés. Certes, travestir la vérité est une discipline qu’ils ont pratiqué très jeunes, qu’ils ont exercé avec acharnement durant leur adolescence, qu’ils mettent en œuvre dès qu’ils se retrouvent piégés mais pour laquelle ils n’auront jamais l’assurance et le détachement féminins nécessaires pour remporter le titre suprême. (Laissons leur tout de même une chance.)

Un sport, un challenge (et dieu sait comme les hommes aiment les challenges – qui décapsulent le plus de bières avec ses dents en une minute ?), voilà ce que représente le mensonge pour eux. Même préparation physique et mentale avant l’effort, même sudation pendant et même sensation de soulagement une fois l’épreuve terminée.

L’épreuve en question est de nous persuader d’une vérité improbable afin d’éviter nos reproches assassins ou nos questions inquisitrices.

Les lieux (en public, au téléphone, au supermarché, at home…), spécialités (« t’étais où ? », « c’est qui cette fille ? », « à quoi tu penses ? ») et durées des compétitions sont variés et les niveaux de pratique, d’endurance et de talent différent selon les mâles.

Pour ma part, tant que le mensonge porte sur des problématiques domestiques mineures, je trouve ça presque adorable et me délecte volontiers de voir mon cher et tendre se débattre tel une mouche prise dans une toile d’araignée (oui, je suis l’araignée) et m’expliquer quel événement extraordinaire a contrarié ses plans. Parce que cette vaisselle, il comptait vraiment la faire, il avait tout prévu, il avait déjà l’éponge dans une main et une assiette sale dans l’autre quand les petits hommes verts ont sonné à la porte. Durant ses numéros improvisés, je reste souvent plantée face à lui, le regardant fixement et je ne dis rien car le silence encourage l’homme à s’enfoncer dans son mensonge et ça, c’est vraiment drôle. Il serait peut-être plus simple pour Monsieur de reconnaître que son meilleur ami l’a appelé de bon matin (11h30) pour une partie absolument passionnante de jeux vidéo et qu’il n’a pas vu le temps passer. Mais soyons honnêtes, cette sincérité entraînerait flot de reproches de notre part allant parfois jusqu’au bris de la vaisselle (toujours pas faite d’ailleurs !).
Si nous sommes conscientes que dans le stratagème de l’homme, s’assurer une tranquillité relative (jusqu’à la prochaine fois) est la seule motivation, je propose plutôt d’envisager ça d’un point de vue plus altruiste : si chéri ne veut pas que nous nous fâchions, c’est parce que les yeux rouges de colère et la bouche déformée d’exaspération, ça ne nous met pas en valeur et puis les disputes, ça épuise et nous n’avons pas besoin de ça après la journée harassante qui a été la nôtre. (Qu’il est gentil !).

Rentrons maintenant dans le moins mignon c’est-à-dire hors des tâches ménagères et des heures de retour à la maison après des sorties entre potes (bouchons sur la route – bah oui quand un avion de l’armée se pose sur l’autoroute, ça ralentit…). Parlons des vrais mensonges, ceux qui blessent et qui peuvent foutre en l’air toute confiance dans un couple.

Finalement si l’on ne considère que ceux qui peuvent créer des fractures irréparables, il ne subsiste que deux catégories de mensonge : celui sur la fidélité et celui sur les sentiments (celui sur l'identité sexuelle ou les pratiques sado-maso je les laisse de côté).

L’infidélité, déjà traitée sur ce blog fait partie des disciplines complémentaires au mensonge, tellement imbriquées entre elles qu’on ne sait plus bien laquelle est motrice de l’autre. Toujours est-il qu’à ce stade, je n’ai que peu de conseils à vous donner. Si vous avez des doutes sur les relations que votre moitié entretient avec une amie/collègue/coiffeuse/ vendeuse/serveuse ou si vous ne comprenez pas ce qu’il fait si souvent loin de vous, faites le suivre. Just kidding ! Quoi que je peux vous aider. Demandez-lui clairement et comportez vous comme le juge d’une discipline olympique. N’attendez pas de lui de grossières erreurs mais guettez les indices microscopiques qui pourraient le trahir : mains moites, regard fuyant, bégaiement, respiration inhabituelle, colère excessive, transpiration… Même plan d’action s’il s’agit de déterminer les sentiments qu’il a pour vous. Et surtout restez calme et concentrée ; il se peut que, pour Monsieur, ce soit la plus grande compétition de toute sa misérable vie de menteur. Vous aurez peut-être la chance d’assister à programme libre, une explosion, de mauvaise foi, de fausseté, un enchevêtrement d’idées farfelues (le triple loots piqué du mensonge) digne d’un champion du monde.

Ou peut-être pas.

Peut-être que votre homme n’aura rien à cacher cette fois-ci.

Comme tous les sports de haut niveau, il est un âge où l’on doit prendre sa retraite. On n’arrête pas pour autant la pratique mais on lève le pied sur les compétitions, se contentant de rencontres amicales, moins physiques. En clair, votre homme continuera de dire que c’est le chien qui a renversé de la bière sur le canapé en daim (quel chien ?) mais il y a matière à penser qu’il n’aura plus la force et l’imagination d’un menteur entraîné. De deux choses l’une : soit il deviendra honnête, soit il se trahira pitoyablement de plus en plus souvent.

D’ici là, soyez indulgentes pour ces pauvres êtres qui n’ont pas notre classe et notre capacité de conviction quand ils mentent !


Trust me I’m perfect  (et ce n’est pas un mensonge !)


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